Les notices d’instructions que l’on trouve dans de nombreuses boîtes de cigares recommandent de conserver les cigares à des températures comprises entre 16 et 18°C. Mais que faire à l’approche de l’été?
En hiver, le problème ne se pose pas trop. En effet, la température ambiante ne dépasse pas de beaucoup la température optimale recommandée pour le stockage des cigares (16 à 18°C). Mais, en été, les températures de 25°C et plus dans la maison sont difficiles à éviter.
Pour de nombreuses personnes qui vivent dans des régions où les systèmes de climatisation ne font pas partie de l’équipement domestique ordinaire, la question se pose alors de savoir comment satisfaire cette recommandation de température dans son logement, celui-ci pouvant être considéré comme une cave à cigares domestique. De nombreux fumeurs de cigares décident alors d’envoyer les cigares en conservation dans leur cave en sous-sol. D’autres pensent à investir dans une vraie cave à cigares avec module de refroidissement intégré.
Les passionnés de longue date ont passé plusieurs années à expérimenter différents taux d’humidité et à tester diverses températures pour créer un environnement adéquat à la conservation de leurs cigares. En conséquence, ils ont fini par acquérir une grande expertise dans la gestion des changements de saisons. Ils sont parvenus à se familiariser avec le procédé à adopter pour que les cigares supportent le passage de l’automne-hiver au printemps-été et vice versa. Ceux qui viennent de plonger dans le bain éprouvent une grande difficulté dans ce domaine. Les questionnements fusent dans leur esprit.
Dans cet article, nous examinerons d’un œil critique les arguments (théoriques) en faveur de la nécessité d’instaurer de la fraîcheur autour des cigares. Nous examinerons les problèmes que cela implique dans la pratique. En plus de vous emmener faire plusieurs intrusions inévitables dans l’univers de la physique, nous vous présenterons des conseils pratiques.
Argument 1 – Le maintient des arômes et la réussite de la maturation (vieillissement)
« Le stockage des cigares à 16° C -18 ° C permet de conserver leurs arômes plus longtemps. »
Commençons par cette théorie qu’il est assez difficile à réfuter. Il est assez étonnant de lire dans les publications (surtout en provenance d’Amérique) que tout le débat sur le stockage des cigares et l’intérêt de procéder à la maturation est finalement absurde dans la mesure où les cigares sont dans leur meilleur état et n’attendent qu’à être fumés lorsqu’ils sont livrés. C’est certainement vrai pour certains cigares.
Mais pour d’autres, c’est loin d’être le cas. Il ne fait aucun doute que l’arôme du cigare change au fil des ans : la maturation est donc recommandée. La question est seulement de savoir s’il s’agit d’un changement positif ou d’un développement négatif. Il s’agit également de déterminer quels sont les facteurs qui influencent ce développement aromatique.
Au fil du temps, l’ammoniac contenu dans les cigares s’évapore et ces derniers perdent de leur fraîcheur en bouche. Cela résulte du fait que les sucres complexes du tabac se transforment en sucres simples. Cette « mutation » entraîne, par ailleurs, une réduction significative du risque d’amertume des condensats. Notez que tout ce processus se déroule plus lentement dans un tube en aluminium que dans une cave à cigares occasionnelle.
Si les cigares sont entreposés dans une boîte ouverte au contact permanent d’air frais, l’ammoniac disparaît après quelques mois seulement, et au bout de deux ou trois ans, chaque cigare aura une odeur plutôt plate. L’air ambiant dépouille le cigare de son bouquet. Que cette expérience soit conduite à 18°C ou à 25°C, le résultat est pratiquement le même. Par conséquent, le respect des recommandations sur la température n’a aucun effet sur le développement de l’arôme.
L’expression « 16-18°C » pourrait simplement être interprétée comme suit : « il suffit de stocker les cigares à la maison et de ne pas les mettre au soleil ». La recommandation peut aussi être due au fait que les cigares sont entreposés à l’usine à environ 16°C pendant quelques semaines après leur élaboration et avant d’être emballés. La raison en est que la teneur en eau du tabac après qu’il eut été roulé est toujours de l’ordre d’environ 17 à 18%.
Le stockage à une température plus basse entraîne une évaporation lente de l’excédent d’eau jusqu’à ce que le tabac atteigne une humidité d’environ 12 à 13% en poids. Ces valeurs correspondent au taux d’humidité optimal : allez en-deçà de ce pourcentage, c’est se diriger tout droit vers une catastrophe certaine.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la température, mais plutôt la quantité d’air frais à laquelle le cigare est exposé et l’humidité relative de l’air qui influent réellement sur le développement des arômes du cigare. C’est pourquoi il est recommandé autant que possible de stocker les cigares dans des boîtes et de se détourner des emballages individuels. Vous pouvez vous permettre de stocker les cigares individuellement à deux conditions : primo, vous utilisez une cave à cigares de table classique et secundo les cigares doivent être fumés dans une période d’une à deux années.
Si elles doivent être conservées plus longtemps, il convient de les exposer à un minimum d’air frais. En vous vous conformant à cette règle, et à la condition que vous parvenez à maintenir une humidité relative constante autour de 70%, les températures estivales de 20°C et plus ne constitueront pas un problème. À des températures si élevées, tout ce qu’il y a à faire à votre niveau, c’est de réduire l’humidité de l’air à environ 65%. En prenant cette mesure, vous évitez que les cigares ne deviennent trop mous.
Argument 2 – Protection contre les moisissures et la floraison du cigare (plume du cigare)
« Une température basse de stockage protège contre la moisissure du cigare et réduit le risque d’apparition de plume ou floraison des cigares. »
Est-ce vrai? Tentez une expérience assez simple: prenez un morceau de fromage et conservez-le à 25°C doublés de 70% d’humidité relative. Il se desséchera lentement mais sûrement. Toutefois, il ne moisira pas. Où le fromage acquiert-il le plus rapidement de la moisissure ? La réponse : dans le réfrigérateur froid et humide ! L’explication : c’est entre 5 et 15°C que la croissance optimale des moisissures se réalise.
Il est pratiquement impossible que des moisissures poussent sur les cigares à des températures supérieures à 22°C. À la rigueur, cela peut se produire lorsque l’humidité relative de l’air est supérieure à 75 % sur une assez longue période. Au cours de plusieurs expériences, des experts ont tenté de transférer la moisissure présente sur du pain, des fraises, des agrumes et du fromage vers des cigares. Le transfert a été réalisé à l’aide d’écouvillons. Malheureusement (ou peut-être heureusement) les « contaminations » n’ont pas réussi. La faible teneur en eau du tabac est un obstacle suffisant à la constitution d’une base suffisante sur laquelle va croître la moisissure alimentaire classique.
Si, malgré ces conditions, de la moisissure pousse sur le cigare, il s’agit presque toujours de l’Eurotium.spp, un champignon qui ne contient pas de toxines et qui se développe dans tous les matelas et dans tout environnement caractérisé par une humidité relative supérieure à 60%. Ce champignon demeure uniquement à la surface du cigare et donc sur la cape. Il est totalement inoffensif. Son allure lui vaut d’être souvent confondue avec le phénomène de la floraison du cigare. Si cette structure fongique apparaît sur le cigare, il suffit simplement de l’essuyer. Lorsque les cigares sont conservés au frais à une température de stockage de 16 ° C et à une humidité relative de l’air comprise entre 65 et 70%, vous remarquerez qu’ils seront relativement secs.
Cele est dû au fait que lorsque la température descend en dessous de 18°C, l’humidité relative de l’air doit être augmentée afin de pouvoir conserver les 13% en poids d’eau dans le cigare. L’humidité de l’air est ainsi augmentée de 75% à 80%. Et c’est là que vous constaterez le problème: la basse température associée à l’humidité de l’air élevée et persistante augmentent le risque d’apparition de moisissures. Tant qu’il ne s’agit que d’Eurotium, cette moisissure demeure inoffensive. En revanche, si l’Apsergillus flavus apparaît et se répand sur les cigares, vous faites face à un danger. L’Apsergillus flavus naît dès lors que les cigares font l’objet d’un entreposage à basse température couplé à une humidité relative de l’air particulièrement élevée.
Réduire les risque de moisissure ou floraison
La première fois que vous ferez l’expérience de ce phénomène baptisé « cigares en fleurs » (ou « floraison des cigares ») et que vous ignorez ce qu’il se passe, votre premier réflexe sera sûrement, comme beaucoup d’autres avant vous, de jeter toute la collection infectée par la floraison. Les débutants imaginent à tort que la floraison constitue une moisissure toxique.
Il est intéressant de noter que les cigares ont tendance à subir cette efflorescence en mars, avril, mai et en juin, donc, lorsqu’il commence à faire chaud. Il est impossible d’affirmer avec exactitude que cela a quelque chose à voir avec « l’horloge interne » du tabac. Dans le même temps, il serait abusif de conclure que pour éviter la floraison, il suffit de baisser la température. En effet, il a été démontré que l’efflorescence est également visible sur les cigares entreposés dans un environnement frais. Jusqu’ à présent, personne n’a pu prouver le contraire, et surtout, il a été impossible de démontrer une réduction de la floraison si les cigares sont gardés au frais.
Argument 3 – Protection contre les parasites du tabac
« Garder les cigares au frais protège contre les parasites. »
C’est l’argument le plus souvent invoqué pour justifier le maintien au frais des cigares. Par ailleurs – comme on peut le supposer- cette invasion pourrait être à l’origine de l’avertissement formulé sur la notice glissée dans les boîtes à cigares. Et pourtant, cette démarche est complètement inefficace, comme vous pourriez en faire la constatation plus loin. Le cigare a un redoutable ennemi. Il s’agit du lasioderme serricorne. Il est généralement connu sous le nom de coléoptère du tabac.
Aux côtés des « contaminations » inoffensives tels que l’Eurotium (ces champignons ressemblent à un fil en fibres de coton déposé sur le cigare), l’Acarien (minuscules insectes blancs circulant sur le cigare) ou la floraison du cigare (taches efflorescentes blanches), le parasite du cigare se présente comme un impressionnant destructeur. Il importe de préciser que ce n’est pas le coléoptère lui-même qui pose problème. Ce sont ses larves qui constituent un cauchemar pour le collectionneur de cigares. Elles vivent et grandissent au sein du tabac qu’elles dévorent avec voracité. Il en résulte des trous circulaires dans la cape. Ces trous se creusent progressivement en profondeur. Si vous apercevez des cigares dont la cape semble infestée d’excavations circulaires, vous avez toutes les raisons de perdre votre sang-froid.
Chaque importateur de cigares consciencieux congèle ses cigares pendant quelques jours à, au moins, -32 à -40°C immédiatement après les avoir reçus. La congélation rapide tue activement les larves de coléoptères. Ces dernières, sachez-le, ont l’incroyable capacité à produire un composé glycolique dans le froid. Cette substance opère comme un antigel pour les éviter de geler et de congeler. Le processus de congélation doit donc être extrêmement rapide afin que les larves n’aient aucune chance de déployer ce bouclier naturel.
Pour finir de torpiller ces arguments en faveur d’un stockage à froid, voici un dernier élément. Il est généralement admis que le Dendroctone du tabac (autre nom du Lasioderme serricorne) ne peut pas se reproduire quand les cigares sont conservés à moins de 20 °C. Autrement dit, la baisse de température protège les cigares de l’envahissement du Dendroctone.
En réponse, il convient de souligner (comme indiqué plus haut) que ce n’est pas le coléoptère qui détruit les cigares mais plutôt ses larves. Si les cigares sont « envahis » par des larves vivantes, le stockage à 15°C n’a aucun effet. Ce n’est qu’à des températures inférieures à 5-6°C que les larves deviennent inactives, c’est-à-dire que c’est à cette condition qu’elles cessent de dévorer le tabac. Elles finissent alors par mourir de faim. Avant d’être commercialisés, les cigares auraient dû être conservés au réfrigérateur à basse température pendant plusieurs semaines provoquant l’extermination des larves. Malheureusement, ce « froid glacial » dessécherait également les cigares.
Certes, l’humidité relative du réfrigérateur est en soi très élevée. Néanmoins, la température trop basse empêche les cigares d’engranger suffisamment d’eau. Conséquemment, ils se déshydratent et se dessèchent. Cela est à peine croyable, mais, paradoxalement, c’est effectivement le cas. Il est vrai que l’activité de reproduction des Dendroctones s’arrête à faible température. Pour autant, les larves, elles, survivent et continent les ravages.
Vous vous dites sûrement que l’absence de reproduction est une raison suffisante pour mettre les cigares au frais. Vous avez tort de penser de la sorte. Une fois que les larves sont dans le cigare (elles sont invisibles de l’extérieur), l’unique moyen de freiner net leur activité dévastatrice demeure la congélation. La mise en œuvre de cette procédure incombe à l’importateur.
Cela ne sert absolument à rien de stocker les cigares au frais
À la question de savoir si conserver les cigares au frais a un sens, la réponse dépend du but du stockage. Si les cigares doivent être stockés pendant une longue période pour profiter des avantages organoleptiques offerts par le processus de maturation (quelques décennies sont nécessaires), le stockage au frais est obligatoire. De plus, l’humidité et la température doivent être aussi constantes que possible.
Dans la pratique, ce stockage ne produit réellement d’effets que s’il est réalisé dans une grande pièce à l’intérieur de laquelle les cigares sont rangés dans des boîtes. Pour le « simple » fumeur qui utilise d’une part, sa cave à cigares ou son armoire à cigares pour y conserver les quelques joujoux qu’il dégustera dans un futur proche, et d’autre part, plusieurs boîtes destinées à un stockage sur une plus longue période de temps, une conservation à la température ambiante est tout à fait sensée. Cette méthode n’endommage pas ses petits trésors. En été, le fait que le thermomètre de l’humidificateur dépasse 20° pendant trois semaines n’a aucune importance, à condition que l’humidité relative soit correcte et constante.
Les variations de température entre 15 et 30°C ne détruisent pas un cigare. La situation est très différente lorsque l’humidité de l’air fluctue. Si les cigares sont gardés dans un environnement trop humide, ils se dilatent. Si l’air ambiant devient soudainement sec, la cape, qui est rétractable, devient incapable de contenir la pression en train de se former dans la tripe. La cape se déchire alors.
L’humidité relative de l’air dépendant de la température, le réflexe naturel est de tenter de maintenir une température constante parce que ainsi, il semble plus aisé de stabiliser l’humidité relative de l’air. Cependant, ce n’est qu’en théorie. La pratique est très différente….